Spiritualités

 
 
 

Ecoute d'un enseignement

 

 

J'ai remarqué que, souvent, quand on assiste à un enseignement d'un grand maître, on est déçu.

On arrive dans la salle avec, dans la tête, quelque idée préconçue de merveilleux. On s'attend inconsciemment à apprendre des choses secrètes, inattendues, des choses que l'on ne pourrait pas trouver soi-même, des choses qui devraient changer notre vie en l'instant d'un claquement de doigts.

Or, bien sûr, il n'en est rien. Comment cela pourrait-il être d'ailleurs ?

Ce que l'on entend, ce sont des choses assez banales, que l'on connaît soi-même bien, et que l'on a souvent entendu répétées maintes fois par nos maîtres, voir par nos parents pendant notre enfance. Amour, Compassion, Altruisme, Impermanence, etc.

Rien de neuf sous le soleil, donc ? Pourquoi tant de personnes se rassembleraient-elles alors pour écouter des banalités ?

Mais est-ce vraiment des banalités ? L'Amour est-il banal dans notre monde ? Et la Compassion ? Combien de personnes, bien que sachant l'Impermanence de toutes choses et de tous phénomènes en tiennent compte dans leur vie de tous les instants ?

Ce n'est pas l'Amour qui domine notre monde mais l'aversion. Ce n'est pas la Compassion qui dirige nos actes, mais l'indifférence, voir la peur. Ce n'est pas l'Impermanence qui motive nos volontés mais la saisie : combien d'entre nous, devant la fin d'une histoire nous concernant, ne s'apitoient-ils pas sur leurs sorts. Il est juste d'éprouver une peine, une tristesse ou un chagrin devant une perte d'un objet ou d'un être aimé. Là n'est pas le problème. Le problème est dans l'excès et dans la durée. Dans le refus de continuer vers l'avant et de vouloir rester figé sur une position indéfendable.

Les enseignements sont simples. Mais notre esprit n'est pas prêt pour les accepter. Ou plutôt, quand tout va bien, cela nous semble évident, et on abonde dans leur sens. On en arrive même à se dire "mais cela ne me concerne pas, moi !" .

Il en est tout autrement quand nous sommes confrontés à un problème. Ou sont passés alors les enseignements que l'on a entendus et sur lesquels nous étions bien d'accord ? Oubliés...

Ha ! Bien sûr, si nous avions notre maître à côté de nous à chaque problème de la vie que nous rencontrions, comme ce serait plus facile de vivre et de mettre les enseignements en pratique ! Mais cela prouve que nous ne sommes pas adultes, pas responsables de nous mêmes ! Alors, comment osons nous pouvoir penser à aider les autres, alors que nous ne sommes même pas capables de nous prendre en charge ?

Je suis dur ? Peut-être. Peut-être pas ! Le plus difficile est de faire ce premier pas qui reconnaît en nous un enfant au niveau spirituel. L'analogie est cruelle... Comme l'enfant rebelle refuse de reconnaître que le parent adulte à raison, en s'enfermant dans sa colère ou dans ses pleurs, l'enfant spirituel que nous sommes à son ego qui crie "NON" devant la simplicité de ce qu'expose le maître. Nous sommes même pas des disciples, comme le dit fort justement Arnaud Desjardin, mais des apprentis disciples. Le travail du maître, avant même de nous amener à nous libérer de l'ego, consiste à transformer notre ego névrotique de gosse en un ego sain d'adulte.

L'une des méditations bouddhistes, le guru yoga, est une application de ce principe. Mais qui s'en rend compte encore ?

Le Guru Yoga consiste à visualiser un maître pendant la méditation (Padmasambava, le Bouddha, etc.), donc a appeler sa présence. Cela se fait par la concentration, bien sur, et par la récitation de mantras. La visualisation représentant le corps, le mantra la parole et la concentration l'esprit. Puis on imagine qu'un rayon blanc, un rouge et un bleu surgissent successivement de la gorge, de la tête et du cœur du bouddha pour nous purifier la parole, le corps et l'esprit.

C'est un rituel, bien sur, et on peut s'arrêter là. Et quand on sort de la salle de méditation, il n'en reste plus rien, tout comme pour beaucoup des catholiques pratiquants qui sortent de l'église en y laissant leur âme et leurs bons sentiments jusqu'au dimanche suivant. Si l'on souhaite en attendre quelque chose, il nous faut nous identifier à la parole, au corps (actions) et à l'esprit de sagesse du Bouddha invoqué. Y croire vraiment, c'est marquer nos actes, nos paroles et nos volitions à venir , c'est essayer de prolonger hors de la méditation l'effet espéré de la méditation.

Ainsi, quand au sortir de la salle de méditation, on va acheter son pain, c'est avec une parole purifiée, sans arrière pensée, que l'on souhaite parler à la boulangère : c'est de l'amour. Quand elle nous donne le pain, nous pouvons penser au travail qu'à dû appliquer le boulanger pour le travailler pour nous et l'en remercier au moins mentalement. Et quand nous entamerons ce pain pour notre repas, nous pourrons le manger en toute conscience, avec compassion pour ceux qui n'en ont pas. Peut-être que le lendemain, quand on jettera le "vieux" pain, au lieu de la mettre à la poubelle on pensera à le donner à manger aux oiseaux : c'est de la compassion.

Pourquoi cette incartade vers quelque chose de très particulier au bouddhisme (mais est-ce si particulier au bouddhisme au fond ? Quand Jésus partageait le pain, il faisait les mêmes actions, dans les mêmes buts.) . Pour montrer que dans un enseignement (ou dans une méditation) on peut en sortir aussi pauvre qu'on y est entré, ou on peut essayer d'intégrer cet enseignement aussitôt. La banalité de l'enseignement n'est banal que pour qui ne fait pas l'effort de le sublimer.